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Le système de santé fragmenté du Canada se trouve devant un défi de taille : des systèmes électroniques qui ne peuvent pas communiquer efficacement les uns avec les autres.
Ce manque d’interopérabilité crée des obstacles importants pour les patients et patientes et les prestataires de soins. Les renseignements essentiels sur l’état de santé d’une personne existent souvent en vase clos, ce qui prive le milieu de la santé des outils nécessaires pour prodiguer des soins éclairés et coordonnés. Les conséquences? Efficacité limitée, erreurs médicales et sécurité des soins compromise.
Pour répondre aux préoccupations croissantes, quatre organisations médicales canadiennes se sont réunies en mars 2024 pour créer le Groupe de travail sur l’interopérabilité de la santé numérique. Inforoute Santé du Canada, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, l’Association médicale canadienne et le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) ont lancé une initiative qui s’articule autour de trois objectifs clés :
« L’interopérabilité, ou les systèmes de soins connectés, tient au renforcement de la capacité des différents systèmes de santé numériques de communiquer, d’échanger et d’utiliser des données personnelles sur la santé de façon fluide et sécuritaire », explique Rashaad Bhyat, M.D., coprésident du groupe de travail et principal responsable de l’engagement des clinicien·nes à Inforoute Santé du Canada.
L’enquête du groupe de travail a révélé plusieurs défis cruciaux. Dans certaines régions rurales et éloignées, une mauvaise connexion Internet peut nuire considérablement à l’efficacité de la transmission d’informations sur la santé. Mais les problèmes vont bien au-delà des infrastructures. L’épuisement professionnel des médecins peut être exacerbé par des tâches administratives chronophages, comme la collecte et le partage de données, qui réduisent le temps consacré aux soins prodigués aux patients et patientes. Les systèmes de dossiers médicaux électroniques (DME) actuels manquent souvent d’automatisation et de souplesse, tandis que les portails non intégrés nécessitent de multiples connexions et processus manuels.
L’enquête a également permis de relever d’importantes lacunes dans les normes de données. L’absence de protocoles de nomenclature et d’échange cohérents, combinée à la désuétude des politiques de protection des renseignements personnels et de gouvernance des données, complique encore plus la transmission d’informations. Les différences d’attitude à l’égard de la mise en commun des données posent un défi supplémentaire. Dans certains cas, les médecins et les organisations hésitent à communiquer des données, ce qui limite les possibilités de collaboration entre les équipes de soins.
« Les défis varient considérablement d’une région et d’une province à l’autre, selon tous ces facteurs, précise Samuel Ogunbiyi, MBBS, M.D. (Recherche), FRCS (Edin), FRCSC, coprésident du groupe de travail et membre du Conseil du Collège royal. Certains endroits doivent composer avec des systèmes désuets, alors que d’autres sont aux prises avec des fardeaux administratifs ou une résistance au changement. C’est un paysage complexe, et chaque région a son point de départ unique pour progresser. »
Le Dr Samuel Ogunbiyi
Après huit mois d’efforts intensifs, le Groupe de travail sur l’interopérabilité de la santé numérique a publié son rapport en novembre 2024. Voici les cinq recommandations clés qui y sont formulées pour transformer le système de soins de santé au Canada :
Pour les médecins qui se préparent à ces changements, le Dr Ogunbiyi recommande de se familiariser avec les systèmes de DME actuels. « Les médecins qui, pour une raison ou une autre, utilisent encore le papier pour une partie de leur pratique doivent envisager de s’en écarter, conseille-t-il. Surveillez les modules de formation sur l’intégration de l’IA aux modèles de flux de travail, particulièrement en ce qui concerne la dictée et la transcription à l’aide de l’IA. »
Le Dr Ogunbiyi envisage des progrès importants au cours des dix prochaines années. « D’ici cinq à dix ans, prévoit-il, toutes les consultations d’une personne, de la première ligne aux soins tertiaires, seront à la disposition de son médecin. Elle–même aura accès à tous ses dossiers, et si elle se déplace dans une autre province et a besoin de soins, le ou la prestataire pourra également y accéder. »
La vision est claire : un système de santé où les patients, les patientes et leurs équipes de soins ont un accès fluide à l’information nécessaire à la prestation de soins de grande qualité, peu importe leur emplacement. En remédiant à la fragmentation de la technologie des soins de santé, ces recommandations visent à créer un système de soins de santé mieux connecté, plus efficace et équitable pour toute la population canadienne.
« Le système de soins de santé évolue rapidement, et les médecins doivent accepter un certain degré de changements pour continuer à diriger et à être efficaces, affirme le Dr Ogunbiyi. La technologie jouera un rôle de plus en plus grand dans ce que nous faisons, particulièrement avec l’avènement de l’IA. Mais rappelons-nous que l’IA ne remplacera jamais les médecins. »
Lisez le rapport du Groupe de travail sur l’interopérabilité de la santé numérique de novembre 2024.